Le restaurant dans le noir : une expérience sensorielle enrichissante
Deux agents de la MDPH de Paris ont fait l’expérience d’un repas dans le noir… nous les avons interrogé sur cette expérience déstabilisante mais enthousiasmante, qu’elles conseillent à tous. Alors à votre tour ?
Deux agents de la MDPHMDPH Maison Départementale des Personnes Handicapées de Paris ont fait l’expérience d’un repas dans le noir…
À l’arrivée, un accueil par des personnes voyantes est organisé. Elles expliquent le déroulé du repas, s’enquièrent du choix de la formule et des restrictions alimentaires éventuelles. Mais le menu n’est pas dévoilé. C’est un menu surprise dont l’objectif est de mobiliser l’ensemble des sens, hormis la vue.
Avant l’entrée dans la salle, plongée dans un noir absolu, tous les objets pouvant être source de lumière sont enlevés. Puis, les participants, chacun mettant sa main sur l’épaule de celui qui le précède, sont guidés jusqu’à leur table par petits groupes par des serveurs eux-mêmes non voyants, qui connaissent parfaitement les lieux.
« C’est déstabilisant au début, on perd ses repères »
Une fois assise à leur place, le premier réflexe est d’inspecter la table à la recherche des couverts, de l’assiette, des verres et de la serviette. Le service peut alors commencer. Les serveurs donnent des indications : « je suis à votre gauche, à votre droite, derrière vous », ce qui facilite leur localisation dans l’espace en fonction de la provenance de leur voix et permet de saisir l’assiette tendue.
Avant de commencer à manger, nos convives essayent de repérer la place et, si possible, la texture de chaque met dans l’assiette (souple comme une purée ou plus compacte comme une viande par exemple). L’exploration se fait par l’entremise des couverts, le recours aux doigts n’étant pas exclue car plus facile et plus parlant… Puis vient l’analyse des divers ingrédients un par un, suivie de la dégustation de l’ensemble, afin de mieux profiter des mélanges qui constituent la saveur du plat, particulièrement recherchés. Tout cela nécessite une importante concentration et induit une certaine lenteur.
Nos « testeuses » nous confient que presque tout le repas a été consacré à deviner la composition des plats. L’essentiel des contacts avec les autres convives de leur table (6 personnes en tout) ont porté sur l’échange des impressions et des analyses de chacun.
À plusieurs reprises, les fourchettes se sont révélées être vides ! Il n’était pas facile non plus de se verser de l’eau, en s’efforçant de contrôler le niveau atteint dans le verre, l’index posé à quelques centimètres en dessous du bord du verre servant de guide, complété par l’ouïe pour percevoir le bruit de l’eau qui coule.
Nos deux testeuses ont eu la sensation que le goût des aliments pris séparément était moins prononcé que d’habitude, est-ce dû au fait que la vue influence les papilles gustatives, son absence ne suscitant pas le même circuit neuronal ?
Leur sensibilité au bruit a été exacerbée, elles ont eu le sentiment que les gens parlaient plus fort, peut-être par nécessité de compenser la privation de la perception des expressions et des émotions qui peuvent se lire sur un visage.
À la fin du repas, toujours guidés par les serveurs, les convives retrouvent la lumière progressivement après un passage dans une pièce à l’éclairage tamisé. Le détail du menu avec l’ensemble des ingrédients leur est enfin révélé, le tout illustré par des photographies. Il en est de même pour les vins consommés. La confrontation avec ces informations peut ménager des surprises : tous les ingrédients n’ont pas toujours pu être correctement identifiés, la proximité de certains goûts peut induire en erreur, on peut prendre un vin blanc pour un rosé sec.
Nos deux testeuses ont eu la sensation de perdre la notion du temps, il leur semblait qu’elles étaient restées à table plus longtemps. En se fondant sur la voix de leurs voisins de table, elles leur avaient attribué un âge allant de 25 à 30 ans, elles ont découvert en les voyant qu’en réalité, ils étaient bien plus avancés en âge !
Une expérience enrichissante qu’elle recommande vivement
Si elles avaient manifesté de la curiosité par rapport à l’expérience qu’elles allaient vivre, en sortant, elles ont ressenti un sentiment de satisfaction de l’avoir faite. Elles ont réalisé l’importance que revêt la vue pour la transmission des informations, mais elles ont également pris conscience que son absence exige une grande faculté d’adaptation, de concentration et de mémorisation.
Elles se sont dit prêtes à recommencer et encouragent vivement leurs proches à aller déjeuner ou dîner dans le noir !
Dans le noir ?
51 rue Quincampoix
75004 Paris
Tél : 01 42 77 98 04
Dans le noir ? c’est aussi une chaîne de restaurants et d’espaces sensoriels. En savoir plus.
La MDPH de Paris
Publié : 26 mars 2019
Dernière mise à jour : avril 2019